Roger Voet un artificier liégeois plein de flamme...

CyberLiège: D'où vous est venue cette passion pour les artifices ?

Voet:
A l'école primaire, je m'intéressais déjà aux fusées ; à l'époque, on trouvait facilement les produits permettant leur fabrication. Il y avait un magasin, rue des Carmes où on pouvait se les procurer en petites quantités, notamment, du souffre et du chlorate de potasse. Il suffisait de mélanger ces deux produits et d'en placer moins d'un gramme sous une petite pierre, de disposer le tout sous un pavé et le résultat était assuré: ça pétait au point que le voisinage en appelait la police.

CybLg: Et professionnellement, ça a commencé comment ?

Voet: J'avais un ami dont le père avait un livre illustré avec quelques pages sur la pyrotechnie et ce dernier accepta de me le donner. On y expliquait comment faire des feux de Bengale. J'allais chez HVL à Liège où l'on m'appelait d'ailleurs monsieur "boum boum". C'était dans les années 50 mais j'ai commencé réellement à m'installer en 1963. Après trois ans, j'ai été sollicité par la firme Azote pour fabriquer des fusées anti-taupes. Lorsqu'on m'a proposé ce travail, je croyais en avoir pour un mois ou deux mais cela a duré plus de 10 ans.
CybLg: Auriez-vous l'une ou l'autre anecdote ?

Voet:
Oh, j'en ai de nombreuses. Ainsi, j'avais 19 ans et je passais mon temps à fabriquer des fusées. C'était l'hiver et j'avais mis sécher des fusées au-dessus de la cheminée. Ma grand-mère était seule à la maison et voulait recharger le feu. C'était un poêle au charbon, elle a ouvert le couvercle et à ce moment-là, des brindilles enflammées s'envolèrent vers les fusées qui séchaient. BOUM!


Le comble du hasard, c'est que l'explosion a eu lieu exactement au moment où je mettais la clé dans la porte pour rentrer. Il y avait de la fumée partout. Heureusement, la déflagration est passée au-dessus de la tête de ma grand-mère qui a été juste un peu brûlée. Une fois la fumée dissipée, on s'est vite rendu compte qu'il y avait un trou dans le mur: un mètre de maçonnerie avait disparu.
Le voisin qui dormait est arrivé tout en émoi : "Qu'a-t-i chal?", "Marguerite, qu'est-ce qu'il y a ?" Je n'osais pas dire ce qui s'était passé.
Puis, les pompiers sont arrivés et le commandant commença à m'interroger. A ses questions, je répondis: "Il devait y avoir une bouteille de naphte sur la cheminée, elle a dû prendre feu et exploser quand ma grand-mère a ouvert le feu". A cette tentative d'explication, le sapeur pompier répliqua: "Dans ce cas-là, on doit pouvoir retrouver des morceaux de verre". Evidemment, on n'en retrouva pas et heureusement pour moi, les traces de mes fusées avaient disparu dans l'explosion, tous les cartonnages avaient été pulvérisés.
Il y a une dizaine d'années, j'ai reçu un photographe, recommandé par le mayeur d'Outremeuse, Jean-Denis Boussart, qui souhaitait me prendre en photo. Il me voulait déguisé en sorcier. Comme accessoire, il avait apporté un chapeau de macrale et souhaitait de la fumée pour ajouter quelque chose de mystérieux à sa prise de vue. "Ce serait parfait avec de la fumée", dit-il, "Vous auriez l'air de faire une incantation".
Pour le décor, il souhaita faire son cliché à l'intérieur de l'un de mes baraquements. Je pris donc de quoi faire des fumigènes, le photographe s'apprêta, je mis le chapeau et j'allumai les fumigènes.

Puis aussi invraisemblable que cela paraisse, avec la même précision que lorsque j'avais tourné la clé lors ma mésaventure de jeunesse (ndlr: dans l'anecdote précédente), juste au moment où le photographe déclencha, une flammèche s'envola, la poudre s'enflamma et je fus instantanément brûlé au visage.
Sur la photo, on ne voit rien et les lecteurs du journal de l'époque n'ont jamais su qu'une seconde après cette prise de vue, j'avais le visage affreusement brûlé. Mais tout cela se termina bien et 3 jours après, comme par miracle, grâce aux pansements et aux pommades, presque toutes les séquelles avaient disparu.



CybLg:
Et en pratique, vous continuez à fabriquer vos artifices vous-même ?

Voet: Non, la réglementation ne me le permet plus. Les exigences quant aux locaux sont trop draconiennes.
De plus, maintenant, fabriquer revient plus cher que d'acheter des produits importés de Chine.

CybLg: Et vos clients, qui sont-ils ?

Voet: Un peu de tout. En fait, c'est la période de fin d'année qui est la plus importante. Mais la saison d'été est aussi bien remplie, elle débute fin mai pour se terminer fin septembre.
Un feu commence à 370 euros pour se terminer à 5.000 euros.

CybLg: En conclusion ?

Voet: Si c'était à refaire, je ferais un autre métier. Je me serais lancé dans la peinture puisque je suis allé à Saint-Luc.
Maintenant, c'est mon fils qui tire les feux, la clientèle s'est fortement développée, notamment en France, en Hollande et en Allemagne.

Nous ne pouvions pas terminer cet interview sans vous offrir un feu d'artifice...


e.c.


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