" Je suis né à Liège en 1964 et j'ai quitté la Belgique à l'âge de
14 ans vers la France; mes parents étaient des pigeons voyageurs à la seule différence qu'ils
ne revenaient jamais à leur point de départ.
J'ai donc passé un bac en biochimie à Toulouse et par la suite commencé à travailler
dans la restauration. Entre-temps, mes parents sont partis au Canada et ont acquis une grosse ferme laitière
au Témiscamingue, une région du Québec grosse comme la moitié de la Belgique avec 17.000
habitants.
Mon premier contact avec ce pays magique fût un hiver où avec mon jeune frère
nous avions décidé de rendre visite à nos parents pendant un mois.
Nous avons quitté Paris un 15 décembre sous la pluie pour arriver au Québec où j'ai
vu pour la première fois de ma vie le thermomètre à - 40 C°; nous nous promenions en tee-shirt
dans la maison et quand nous sortions, j'avais l'impression de m'équiper pour aller sur la lune.
Ce qui m'a frappé, c'est de voir à quel point les québécois sont adaptés à
ce rude climat.
Les chauffe- moteurs pour les véhicules, les équipements pour déneiger ,les motoneiges et
la pêche sur les lacs gelés. Ce qui m'a surpris, c'est l'immensité du paysage.
Ce qui m'a séduit, c'est l'accueil chaleureux des québécois et surtout le sentiment de ne
pas être envahi par son voisin.
En
plus au Québec, nous faisons partie d'une société distincte, nous sommes à peu près
6 millions de francophones pour 300 millions d'anglophones en incluant les américains. Certains pourraient
se sentir " oppressés " mais moi je me sens comme les gaulois entourés par les romains
et je pense que la plupart des québécois sont comme ça aussi sinon cela fait longtemps qu'ils
se seraient fait assimiler par les anglophones bien que personnellement, je trouve que la langue anglaise est en
train de polluer complètement la planète.
Revenons à nos moutons…..
Après un mois d'hiver, j'ai voulu essayer un mois d'été à ferme chez mes parents à
rentrer le foin, le bois pour l'hiver, traire les vaches et bien entendu explorer la région.
Finalement, l'année d'après, je suis parti pour une période de six mois au Canada et cela
fait maintenant douze ans que je suis installé ici.
Il y a six ans, mon épouse et moi avons décidé d'acheter notre chocolaterie qui appartenait
à des Français et depuis ce jour là, je n'ai jamais regretté notre achat.
Il n'y a pas un jour où je vais au boulot "à reculons ". J'ai appris mon métier
de chocolatier avec l'ancien proprio et ensuite j'ai suivi régulièrement des cours à l'institut
Barry Callebaut de Montréal avec le plus souvent des meilleurs ouvriers de France.
La première chose que nous avons faite en achetant notre chocolaterie est de changer de chocolat, les anciens
propriétaires travaillaient avec du chocolat français et nous avons choisi de travailler avec Callebaut
qui maintenant est devenu Barry Callebaut.
Depuis l'achat de notre chocolaterie,
nous avons doublé notre chiffre d'affaires et nous transformons plusieurs dizaines de tonnes de chocolat
chaque année; nous vendons nos pralines chez une douzaine de dépositaires et l'élément
déclencheur de la croissance de notre entreprise a été la création d'une tablette de
chocolat au lait fourrée d'un onctueux caramel. Son nom, la caramelle.
L'ancien propriétaire nous avait dit qu'on allait se planter avec ce produit là
et la deuxième année, nous avons vendu 50.000 tablettes de la caramelle.
Nous avons ensuite créé trois nouvelles tablettes.
La pralinette, un chocolat au lait à la brésilienne, la noire qui est un 70% de cacao et la sans
sucre au lait qui connaît beaucoup plus de succès que ce qu'on avait imaginé.
Nous négocions actuellement avec des grossistes pour vendre nos 4 tablettes à travers la province.
Étant donné la popularité de nos produits, nous avons été
obligé de trouver un nouveau local pour notre laboratoire de chocolat, nous avons aussi une boulangerie
pâtisserie où nous vendons des cadeaux et de nombreux produits importés d'Europe.
Je dois avouer que le déménagement du laboratoire de chocolat fut encore plus excitant que l'achat
initial du commerce car cela veut dire que nous sommes sur la bonne voie car c'est certain il y a des jours où
on se demande si on ne ferait pas mieux d'en rester là mais nous avons au moins une idée par jour
pour aller toujours plus loin dans la conquête des marchés car il ne faut pas oublier qu'en Amérique
du nord ,on est loin de la consommation annuelle de chocolat par habitant que l'on connaît en Europe d'ailleurs
depuis quelques années les Suchard, Côte D'or et autres l'ont compris car ils sont en train d'envahir
l'Amérique du nord et c'est sur ce créneau là en plus haut de gamme que nous surfons.
Notre nouveau
laboratoire de chocolat est situé le long du lac Témiscamingue (qui veut dire eau
profonde en algonquin). C'est un lac qui mesure 70km de long et qui peut mesurer plus de 200m de profondeur par
endroits d'où ma passion pour le bateau et la plongée sous marine l'été.
Il est donc facile dans un tel endroit de trouver de l'inspiration pour créer des recettes de ganaches ou
de caramels pour remplir mes pralines.
À Liège, on a le sirop et ici au Québec on a le sirop aussi sauf qu'ici
,il est fait avec la sève de L'érable au printemps. Je me souviens quand j'étais à
l'école primaire de Villers le Temple de la fabrique de sirop voisinant l'école, quel fumet de pommes
et de poires.
Ici, c'est la même chose, on fait bouillir l'eau d'érable pour concentrer le sucre et la saveur inimitable
de L'érable. Je dirai que la grosse différence entre les deux sirops à part bien entendu leurs
goûts et leurs textures est que l'on peut trouver une multitude de produits contenant du sirop d'érable
: biscuits, crème glacée, gaufres, muffins, bonbons, pralines etc.
Pour conclure je dirais que je ne regrette pas du tout mon choix de me retrouver à
7 heures d'avion de ma famille et de mes racines car justement, 7 heures d'avion, ce n'est pas grand chose, surtout
quand on est dans un pays aussi formidable que le Canada "
Propos recueillis pas C. Jadin.